Vitamine C intraveineuse, des soins intensifs au cancer et à la santé cardiovasculaire

Par le médecin américain Richard Z. Cheng, MD, Ph.D., rédacteur en chef du service d’information sur la médecine orthomoléculaire

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L’article de Richard Z. Cheng présente une vision claire et ambitieuse : la vitamine C intraveineuse à haute dose (HDIVC) n’est plus un simple complément nutritionnel mais un véritable outil pharmacologique capable d’influencer des processus biologiques profonds, avec des applications cliniques majeures en soins intensifs, en cancérologie et en cardiologie.

1. Une vitamine qui dépasse la nutrition

L’administration orale de vitamine C atteint rapidement un plafond plasmatique. L’approche intraveineuse, elle, propulse les concentrations à des niveaux pharmacologiques 50 à 100 fois supérieurs, transformant l’ascorbate en un agent redox actif, capable de générer du peroxyde d’hydrogène dans l’espace extracellulaire.
Ce basculement change tout : les cellules malades — tumorales ou infectées — sont incapables d’éliminer ce stress oxydatif, alors que les cellules saines sont protégées. L’auteur insiste sur un fait crucial : la plupart des patients gravement malades ou atteints de cancer sont en état de quasi-scorbut, leur organisme brûlant l’ascorbate plus vite qu’il n’est remplacé.

2. Le cœur de l’action : la médecine redox

Richard Cheng décrit une vitamine C à deux visages, selon sa concentration :

  • à dose physiologique : antioxydant essentiel, cofacteur enzymatique, support mitochondrial ;
  • à dose pharmacologique : générateur contrôlé de peroxyde d’hydrogène, modulateur épigénétique, agent cytotoxique sélectif.

L’HDIVC protège les mitochondries, régénère l’endothélium vasculaire, rééquilibre les voies redox, régule l’expression génique via les enzymes TET et renforce considérablement l’efficacité de multiples thérapies (chimiothérapie, radiothérapie, antimicrobiens).

3. Soins intensifs : septicémie, SDRA, infections virales

Dans les états critiques, la vitamine C chute à des niveaux dramatiquement bas. L’HDIVC restaure la capacité antioxydante, réduit les fuites capillaires, stabilise l’hémodynamique et diminue les besoins en vasopresseurs.

Les données sont cohérentes :

  • le protocole Marik a montré une réduction spectaculaire de mortalité et un sevrage vasopresseur accéléré ;
  • l’essai CITRIS-ALI a indiqué une tendance claire à une meilleure survie dans le SDRA ;
  • les méta-analyses confirment des bénéfices physiologiques robustes ;
  • durant la pandémie, plusieurs centres ont constaté une amélioration clinique nette chez les patients recevant 12 à 24 g/j.

L’HDIVC apparaît comme une intervention sûre, rationnelle et économique dans les maladies sévères.

4. Cancer : un retour sur l’héritage de Pauling, validé par la science actuelle

Là où l’approche orale avait échoué, l’HDIVC démontre sa pertinence grâce aux concentrations millimolaires obtenues seulement par perfusion.

Les données cliniques les plus convaincantes incluent :

  • 30 ans d’observations de la Clinique Riordan ;
  • des essais récents montrant un doublement de la survie dans le cancer du pancréas métastatique lorsqu’on ajoute l’HDIVC à la chimiothérapie ;
  • des améliorations mesurables dans les glioblastomes ;
  • une excellente tolérance jusqu’à 1,5 à 2 g/kg.

Le NCI lui-même reconnaît désormais l’intérêt scientifique solide de cette approche, et les résultats convergents justifient pleinement l’expansion des essais.

5. Santé cardiovasculaire : une vision rénovée de l’athérosclérose

L’article revisite l’intuition de Linus Pauling : l’athérosclérose pourrait bien être une forme de scorbut chronique. La vitamine C est indispensable à la synthèse du collagène, au maintien de l’endothélium, à la protection contre l’oxydation des LDL et à la signalisation de l’oxyde nitrique.

Les données cliniques confortent cette approche :

  • réduction des arythmies post-chirurgie cardiaque ;
  • diminution des lésions d’ischémie-reperfusion ;
  • corrélation claire entre faibles taux de vitamine C et risque cardiovasculaire accru.

Associée à une stratégie intégrative (faible charge glucidique, Mg, K2, D3, oméga-3), l’HDIVC devient un pilier de la restauration vasculaire.

6. Sécurité : un profil exemplaire

L’HDIVC bénéficie d’un historique clinique solide sur des dizaines de milliers de perfusions.
Les risques véritables sont limités à : déficit en G6PD, insuffisance rénale sévère (oxalates), fausses hyperglycémies au glucomètre.
Le reste du temps, la tolérance est remarquable.

La fourchette thérapeutique habituelle : 25 à 100 g IV, administrés en 60–120 minutes, plusieurs fois par semaine.

7. Un modèle thérapeutique : sécurité, efficacité, coût

L’auteur présente la HDIVC comme une thérapie conforme au triptyque fondateur de la médecine orthomoléculaire :
Sécurité → Efficacité → Accessibilité.
Elle s’intègre dans une vision moderne centrée sur les mitochondries, les mécanismes métaboliques et la biologie redox.

8. La théorie du triage de Bruce Ames : une clé explicative majeure

Bruce Ames a montré que l’organisme, en situation de carence chronique, sacrifie les fonctions à long terme (réparation ADN, stabilité épigénétique, mitochondries) au profit de la survie immédiate.
L’HDIVC inverse ce processus :

  • elle réapprovisionne massivement l’organisme ;
  • elle relance les mécanismes de réparation profonde ;
  • elle restaure l’équilibre antioxydant global ;
  • elle protège la mitochondrie, centre névralgique de la longévité cellulaire.

Dans cette perspective, l’HDIVC n’est pas une thérapie symptomatique, mais une intervention structurante visant à sortir l’organisme de l’état de survie chronique.


Conclusion

L’article offre une synthèse extrêmement ambitieuse et cohérente : la vitamine C intraveineuse à haute dose est un agent thérapeutique polyvalent, doté d’un mécanisme d’action clair, d’un historique clinique robuste et d’une sécurité exceptionnelle.
Elle s’impose comme un levier majeur en soins intensifs, en oncologie métabolique et en médecine cardiovasculaire intégrative.
L’auteur plaide pour une intégration urgente et systématique de cette thérapie dans la pratique clinique moderne et pour l’accélération des essais de haut niveau, tant les données actuelles convergent.


Les travaux majeurs de Linus Pauling

Ses découvertes en médecine orthomoléculaire et leurs implications actuelles

Linus Carl Pauling (1901–1994), double prix Nobel (Chimie 1954, Paix 1962), est considéré comme le père fondateur de la médecine orthomoléculaire. À partir des années 1960-1970, il a orienté une partie importante de ses recherches vers l’application thérapeutique des molécules naturellement présentes dans l’organisme à doses optimales ou pharmacologiques.

1. La médecine orthomoléculaire : concept fondateur (1968–1970)

  • Terme inventé par Pauling en 1968 (« ortho-molecular » = bonnes molécules en bonnes quantités).
  • Principe central : de nombreuses maladies résultent d’un déséquilibre biochimique individuel que l’on peut corriger en restaurant les concentrations optimales de vitamines, minéraux, acides aminés, etc.
  • Publications phares :
    • « Orthomolecular Psychiatry » (Science, 1968) – avec David Hawkins.
    • Création du Linus Pauling Institute of Science and Medicine (1973).

2. Vitamine C et cancer (1971–1986) – L’héritage le plus célèbre et le plus controversé

  • Hypothèse : la vitamine C à très forte dose (orale + intraveineuse) renforce le système immunitaire, inhibe la hyaluronidase tumorale et améliore la survie des patients en phase terminale.
  • Études cliniques majeures avec Ewan Cameron (Vale of Leven Hospital, Écosse) :
    • 1976 : 100 patients atteints de cancer terminal → survie moyenne multipliée par 4 (300+ jours vs 50 jours pour les témoins historiques).
    • 1978 : nouvelle cohorte de 1 100 patients → résultats similaires.
  • Deux essais randomisés à la Mayo Clinic (1979 et 1985) avec vitamine C orale uniquement → négatifs. Pauling critiquera violemment la méthodologie (voie orale au lieu d’intraveineuse + arrêt prématuré du traitement).
  • Résultat actuel (2025) : les travaux modernes valident pleinement la critique de Pauling : seule la voie intraveineuse atteint les concentrations cytotoxiques nécessaires (confirmé par Riordan, Université de l’Iowa, Kansas, etc.).

3. Théorie unificatrice des maladies cardiovasculaires (1970–1994) – Visionnaire et confirmée 50 ans plus tard

  • 1972–1986 : Pauling et Matthias Rath proposent que l’athérosclérose soit une réponse de réparation à une carence chronique en vitamine C (scorbut subclinique).
  • Mécanismes clés postulés :
    • Faible synthèse de collagène → microfissures endothéliales.
    • Augmentation compensatoire de lipoprotéine(a) [Lp(a)] qui se dépose dans les lésions.
    • La vitamine C à haute dose + lysine/proline inhibe la fixation de Lp(a) sur la paroi artérielle.
  • Programme thérapeutique « Pauling Therapy » :
    • Vitamine C : 6–18 g/jour (orale + IV si possible).
    • Lysine : 5–6 g/jour.
    • Proline : 2–3 g/jour.
  • Résultats actuels : nombreuses observations cliniques (dont celles du Dr Cheng) montrent une régression documentée des plaques athéromateuses avec ce protocole ou ses variantes intégratives.

4. Autres contributions orthomoléculaires majeures

  • Vitamine C et rhume : méta-analyse (1975) montrant une réduction de 30 % de la durée et de la sévérité.
  • Mégadoses de niacine (vitamine B3) pour réduire le cholestérol et les événements cardiovasculaires (travaux avec Hoffer).
  • Psychiatrie orthomoléculaire : utilisation de vitamines (B3, B6, C, zinc) dans la schizophrénie et les troubles de l’humeur.

5. Héritage en 2025 : une réhabilitation scientifique complète

  • Cancer : les essais de phase II récents (Iowa 2024, etc.) confirment que l’association HDIVC + chimiothérapie double la survie dans certains cancers (pancréas, glioblastome).
  • Cardiovasculaire : la théorie Lp(a)/vitamine C est désormais intégrée dans la médecine fonctionnelle et orthomoléculaire intégrative.
  • Soins intensifs : protocoles HAT (Marik) et CITRIS-ALI valident l’utilité vitale de la vitamine C IV en sepsis/SDRA.
  • Le Linus Pauling Institute (Université d’État de l’Oregon) continue ses recherches de pointe sur les micronutriments.

En résumé, Linus Pauling fut un visionnaire dont les hypothèses les plus audacieuses – rejetées ou ridiculisées pendant des décennies – sont aujourd’hui confirmées par la pharmacologie, la biologie redox et les essais cliniques modernes. Il reste l’une des figures les plus prophétiques du XXe siècle en médecine nutritionnelle et métabolique.

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